Poole – Angleterre

Poole – Angleterre – Port de Cobb’s Quay
30/06/2016 – 02/07/2016

Aujourd’hui, Vendredi 01/07/2016, nous sommes au port de Poole au Sud de l’Angleterre, à l’extrémité Ouest de l’Ile de Wight. Nous faisons escale ici le temps que le vent retombe et que nous puissions continuer notre route jusqu’à Amsterdam.

C’est un port de grand luxe ! On à l’impression d’être dans un mini St Tropez version anglaise. On détonne pas mal ici avec notre petit bateau. On fait un peu « manouche » à côté des gros yachts… La capitainerie répond H24 aux moindres de nos besoins. Il y a un « club house », des barbecues à disposition, une mini supérette. Quant aux sanitaires, on a l’impression d’avoir chacun une salle de bain privative ! Ce doit être hors de prix mais nous en profitons grâce à notre « passeport Escale ».

Le port se situe au fond d’une énorme baie. C’est le deuxième plus grand port naturel au monde.Une fois arrivée au fond de la baie, il nous faut passer un pont qui n’ouvre qu’à certaines heures de la journée. Nous nous présentons 10 minutes avant l’ouverture, puis l’heure dite passe… nous nous regardons étonné, les anglais feraient-ils faux bon à leur réputation ?… Nous faisons plusieurs tour dans l’eau (pas de pontons pour s’amarrer en attendant l’ouverture), jusqu’au moment où Thibault percute : décalage horaire…! Nous nous sommes fait avoir comme des bleus ! Dehors le vent est beaucoup trop fort, hors de question de ressortir, nous devrons nous cantonner à faire des mini-ronds dans l’eau, comme un poisson dans un bocal, pendant 45 minutes…

Après cette longue attente, le pont s’ouvre et nous passons. Le pont se referme, mais nous voilà maintenant, face à un deuxième pont, qui lui n’est pas indiqué sur la carte… Heu… Qu’est-ce qu’on fait la ?… En fait, nous n’aurons pas le temps de nous poser plus de questions, nous sommes happés par la féérie de ce deuxième pont qui s’ouvre, tel un albatros qui déploierait ses immenses ailes.

Pendant la traversée de la Manche, nous avons croisé le « DST » = Dispositif de Séparation du Trafic. C’est un passage dans la Manche inscrit sur nos cartes marines, où passe tous les plus gros cargos (jusqu’à 400m de longueur). Nous avons traversé ce passage à la perpendiculaire pour y rester le moins longtemps possible et de jour. Nous avons sur notre bateau un récepteur AIS (Automatic Identification System) qui nous permet de voir sur notre carte tous les cargos que nous allons croiser (les cargos ayant l’obligation d’émettre leur position). On peut voir aussi la distance à laquelle ils sont de nous, et dans combien de temps nous les croisons. On peut ainsi les voir sur notre carte avant même de les voir à l’œil nu. Ce qui n’empêche pas une veille visuelle attentive et obligatoire. Nous n’avons rencontré aucun problème car nous n’avions aucun cargo « en route de collision ». Et si c’était le cas, il nous suffit de les contacter par VHF pour qu’ils se déroutent de quelques degrés ou d’allumer le moteur et de filer.

Pour arriver jusqu’ici, nous avons quitté le port de Roscoff le 30/06/2016. La mer était bien agité entre une houle ayant atteint des creux de 3 mètres et une mer croisée.  Je suis malade depuis le début de l’aventure, soit maintenant plus de 3 semaines. C’est dur pour moi, comme pour Thibault qui ne supporte pas de me voir comme ça. A ce stade, il est impensable pour moi de continuer comme ça pendant un an. Le moral est au plus bas.

Je savais que le début du voyage serait dur, mais je n’avais pas imaginé à quel point… Pendant plusieurs jours, j’ai envie de tout laisser tomber… À faire des grosses crises de larmes. Le fait de quitter la France (pour moi qui n’ai jamais voyagé) est plus difficile que ce que j’avais imaginé. En fait, c’est en partant de Roscoff que j’ai vraiment réalisé l’importance des choses… Je me demande dans quelle galère je me suis embarquée. Je comprends enfin que je ne reverrais pas ma famille et mes amis avant un an. Je réalise aussi la rupture plus que brutale entre ma vie de sédentaire et ma vie de nomade. Je me pose beaucoup de questions, je me demande si cela va me plaire. Si l’écart entre ce que j’en avais imaginé et la réalité n’est pas trop important pour moi. Si je suis faite pour ça.

Moi qui suis si organisée, qui aime planifier, qui aime avoir mon cocon, mes proches à côté de moi. La vie de nomade est tellement différente. Des rencontres tous les jours, des paysages nouveaux tous les jours, des découvertes à longueur de journée, mais rien à quoi se rattacher… Ce qui me faisait rêver me ferait-il peur ? Comment parvenir à lâcher prise ?

Pour autant, renoncer est encore in-envisageable après tous les efforts que nous avons fourni pour arriver jusque là. Et je me dis que ce n’est pas possible, que je n’ai pas pu me tromper à ce point, que le moral va forcément remonter. Mon naturel optimiste va forcément revenir.

Thibault est très attentif, très à l’écoute et vraiment un amour. C’est décidé, nous referons un point à Amsterdam. Peut-être devrons nous revoir notre plan de voyage si je ne parviens pas à m’amariner… En fait, je suis tellement mal, que je ne réalise pas du tout que nous sommes en Angleterre et que nous avons quand même traverser la Manche…! Ce qui n’est pas rien. Par contre, je voie bien que je gâche le plaisir de Thibault, qui lui est euphorique d’avoir réussi notre premier pari. Je culpabilise, lui aussi… Nous gardons confiance. Le principal étant que nous puissions en discuter, communiquer, nous écouter et que l’on prenne soin l’un de l’autre.

De plus, le fait que je puisse écrire tout ça aujourd’hui est pour moi, bon signe. Je me connais. C’est une première étape à notre voyage et à nos rêves un peu fou. Même si je m’attendais à quelque chose comme ça, et que Thibault trouvait bizarre que je n’ai pas encore « craqué », nous n’avions pas imaginé que ce serait aussi fort en émotions.